L’exposition La Calle (la rue) est composée d’une sélection de photos de Paolo Gasparini réalisées de 1960 à nos jours. Le fil conducteur de l’exposition, c’est la rue comme chaîne de mémoire. Un espace fait de sédiments et de strates où se trament histoires collectives et individuelles. L’exposition nous conduit au Mexique à Tijuana, au Chiapas, à São Paulo, à Caracas et dans les villes européennes, Paris, Berlin et aux États-Unis à Los Angeles ou à New York.
L’univers thématique de Paolo Gasparini est lié au genre de l’essai structuré par des photos prises en direct. Dans un second temps, le photographe juxtapose et associe les images dans une dialectique qui pointe une lecture a posteriori. L’Artiste structure des propositions photographiques à travers des séries d’images articulées en grands réseaux de photographies. Dans le même temps , il organise des systèmes visuels basés sur des thèmes opposés dans le même espace, de sorte que les images sont articulées l’une de l’autre, et réciproquement permet de saisir des sens au-delà de ce qui est reproduit dans chacune d’elles.
Dans l’exposition La Calle (la rue) , Paolo Gasparini fait dialoguer deux mondes :
Un pris dans la perspective du dupliqué et de la copie dans les métropoles européennes.
L’autre sans les filtres du reflet dans les villes et villages d’Amérique latine.
En combinant les rues des deux mondes, le discours visuel de Paolo Gasparini souligne et systématise une vision d’auteur sur des espaces différents liés par les signes et les codes de la modernités.
Espaces architecturaux qui, dans quelques cas, sont identifiés par les signaux graphiques et pictographiques produisant des aires et créant des zones urbaines.
Dans le cas des rues de l’Amérique latine, Gasparini montre où vit, dort, mange, travaille et meurt la grande majorité des latino-américains (« Ceux d’en haut et ceux d’en bas »), sur le seuil de la modernité. Ici, les rues sont couronnées par des annonces ou des affiches ; se constituent l’espace privé des marginaux, mais aussi l’espace de la fête ou de la protestation.
Des villes européennes, l’artiste expose des routes viables, avec des images publicitaires et des slogans, où les piétons flous ou en mouvement sont réfractés et multipliés dans les surfaces translucides de vitrines. Ici, la rue est métaphore du voyage ou des routes : un espace multiculturel, multiethnique et liminaire.
L’ensemble des images constituant l’exposition La Calle (la rue) représente un important corpus de travail qui rend visible les préoccupations éthiques et morales de l’auteur, qui, en un demi-siècle, a documenté, enregistré et témoigné comment « mal vivent » les dépossédés dans les centres urbains et les banlieues du continent américain. Dans cette exposition, on suit aussi le photographe, flâneur européen aliéné par signes iconiques dans des espaces où s’entassent les fétiches de la marchandise.
Paolo Gasparini, dans l’exposition La Calle (la rue), propose un discours sui generis loin des schémas classiques de la présentation et l’interprétation de la tendance documentaire du langage photographique.
L’exposition La Calle (la rue) sera composée de 100 images. Des audiovisuels seront présentés en parallèle de rencontres et discussions sur le travail de (et avec) Paolo Gasparini et la pratique photographique en Amérique latine.
SAGRARIO BERTI
Paolo Gasparini découvre la photographie en 1953 en Italie. En 1955, il rejoint son frère à Caracas où il travaille comme photographe d’architecture. Figure de la photographie documentaire en Amérique latine, Paolo Gasparini s’attache à mettre en scène la conflictualité dans les métropoles. Le langage photographique est pour lui un outil permettant de questionner les disparités sociales et les conflits culturels et économiques qui touchent les habitants d’Amérique latine. On pourrait parler d’essai photographique, car Paolo Gasparini invente de nouvelles propositions photographiques. Son refus de l’image iconique le pousse à sans cesse trouver de nouveaux modes d’assemblage et d’exposition.
Paolo Gasparini a publié de nombreux ouvrages photographiques qui comptent dans l’histoire de la photographie latino-américaine dont le livre culte Para verte Mejor America latina (Ed. Siglo XXI, 2002). Avec Armand Gatti, il publie Le Ciel est dans la rue : Cuba 1962-1965 (Ed. Toucan, 2007) . Récemment il a été exposé à la fondation Cartier à Paris.
Les figures mythiques du soulèvement
Parallèlement, sera interrogé le rapport extrêmement fort qui s’est tissé entre l’Amérique latine et l’Europe autour d’un thème : Les figures mythiques du soulèvement.
Accueillir les photos de Paolo Gasparini à La Parole errante à la Maison de l’arbre d’Armand Gatti, c’est aussi essayer de saisir comment les hommes et les femmes engagé(e)s dans des luttes d’émancipation de l’Amérique latine sont devenues en Europe les figures mythiques du soulèvement. Emiliano Zapata, Che Guevara, Rigoberta Menchu, Yon Sosa, Camilo Torres et le sous-commandant Marcos. Comme si les pays, dont ils étaient les ressortissants, portaient la responsabilité de l’avènement d’un autre ordre social et économique après la disparition du message bolchevik. Etaient-ils aussi une autre manière de penser le politique comme en témoigne les écrits de Marcos ou les rencontres de Porto Alegre.
Dans ce cadre, trois ensembles majeurs de Gasparini seront présentés : un consacré à Che Guevara, l’autre à la photographe Tina Modotti et le dernier intitulé la route de Zacapa. Des textes d’Armand Gatti rythmeront l’exposition en commençant par des articles écrits en 1954 au Guatemala (Histoire d’une guerre civile, Le Parisien libéré, 25 juin-21 juillet 1954, jusqu’à la pièce de théâtre jouée à Genève au théâtre Saint-Gervais Premier voyage en langue maya avec surréaliste à bord, janvier 1999)
Le poète et le photographe ont traversé toutes ces époques et leurs questions. L’exposition rendra compte, en images et en textes, de cette longue marche.
La Parole errante – direction Armand Gatti & Jean-Jacques Hocquard est soutenue par Le Ministère de la Culture (DRAC Île de France), Le Conseil régional d’Île-de-France, Le Conseil général de la Seine-Saint-Denis, La Mairie de Montreuil-sous-bois.