Mesure d’Accompagnement Protégé (MAP)

Publié le par Observatoire des violences envers les femmes

Mots-clés : violences protection prevention enfant

La Mesure d’accompagnement protégée des enfants (MAP) a été pensée pour permettre l’exercice du droit de visite dans un contexte de violences conjugales. Elle prévoit ainsi l’accompagnement de l’enfant par un adulte formé, lors des déplacements entre le domicile de la mère et le lieu d’exercice du droit de visite du père violent. Il permet d’éviter tout contact entre la mère et le père auteur de violences et permet en outre à l’enfant de s’exprimer librement avec un tiers.

Historique

Cette mesure existe et fonctionne en Suède où la responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes du Conseil général de la Seine-Saint-Denis l’a vue fonctionner. En 2009, le travail mené sur les féminicides en collaboration avec le Parquet, avait montré que, dans la moitié des cas, les assassinats s’étaient produits à l’occasion du droit de visite du père. Face à ces résultats, des préconisations ont émergé, dont la mesure d’accompagnement protégé, afin d’éviter que l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement soit source de passage à l’acte violent. En 2010, le projet d’accompagnement protégé fut présenté parmi les mesures contenues dans l’ordonnance de protection portée par la Seine-Saint-Denis, à la mission d’évaluation de la politique de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes à l’Assemblée Nationale. Cette dernière a été retenue dans la loi du 9 juillet 2010 « relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ».

L’article 7 de la loi modifie ainsi l’article 373-2-9 du code civil qui est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux, le juge en organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires. Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontre qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou du représentant d’une personne morale qualifiée. »

Contexte

La mise en place d’un accompagnement protégé des enfants répondait à une exigence : depuis octobre 2010, la presque la totalité des dossiers d’ordonnances de protection où le couple avait des enfants (sauf ceux où la situation avait été réglée en amont par une décision récente du juge aux affaires familiales) statuaient sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et un nombre important d’ordonnances de protection organisaient des modalités spécifiques d’exercice du droit de visite ou d’hébergement, pour tenir compte de la situation de danger de la mère et de l’interdiction qui a été faite au père de la rencontrer.

Les espaces de rencontre sont saturés et l’attente est longue pour permettre que le père violent exerce son droit de visite décidé par le JAF. La mesure d’accompagnement protégé encadre le droit de visite du père et propose un dispositif sécurisant pour tous : la mère est rassurée qu’un tiers accompagne les enfants et se sent protégée, les enfants sont rassurés parce que la régularité des visites est garantie et peuvent si nécessaire dire leurs craintes à une tierce personne, le père apprécie de ne pas être en relation directe avec la mère car cela le préserve d’un nouvel acte violent.

A la demande des Juges aux affaires familiales, la mesure d’accompagnement protégé des enfants (MAP) a été étendue aux femmes victimes de violences ne bénéficiant pas de l’ordonnance de protection, mais pour lesquelles l’auteur de violences exerce des pressions au moment de l’exercice du droit de visite. Dans ces cas, la mesure est prononcée pour une durée de six mois reconductible.

Les juges aux affaires familiales ont tout de suite été intéressé-e-s par le dispositif qu’ils-elles utilisent maintenant lorsque le père a été violent avec la mère, mais pas avec les enfants.

Descriptif

Le dispositif d’accompagnement protégé, prévoit l’accompagnement de l’enfant par un adulte, lors des déplacements entre le domicile de la mère et le lieu d’exercice du droit de visite du père. Il permet d’éviter tout contact entre la mère et le père auteur de violences et permet en outre à l’enfant de s’exprimer librement avec un tiers. Cette personne morale qualifiée, c’est à dire appartenant à une association et formée, est de l’âge des grands-parents, puisque ce sont des retraité-e-s qui reçoivent un défraiement.

La mise en œuvre de la MAP a été confiée à la Sauvegarde de Seine Saint-Denis qui intervient à la fois dans la protection de l’enfance et avec des groupes de responsabilisation pour hommes violents dans le cadre de contrôles judiciaires en pré-sententiel.

Un comité de pilotage se réunit tous les 2 mois. Il est composé de : la première vice présidente du tribunal de grande instance de Bobigny, la coordinatrice des juges aux affaires familiales, le procureur adjoint en charge du parquet des mineurs, la responsable de la cellule de recueil des informations préoccupantes (CRIP93), une psychologue de l’unité enfant-adolescent du centre de psychotrauma de l’institut de victimologie de Paris, les associations SOS Victimes 93 et SOS Femmes 93, la Dre Emmanuelle Piet responsable de la plannification familiale au service de PMI, un représentant de la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis.
La coordination est assurée par l’Observatoire départemental des violences envers les femmes.
 

Partenaires

Le Département de la Seine-Saint-Denis via son Observatoire départemental des violences envers les femmes et la CRIP93, le Tribunal de grande instance de Bobigny, l’association la Sauvegarde de Seine-Saint-Denis, l’unité enfants de l’institut de victimologie de Paris, la Caisse d’Allocations Familiales 93, la Fondation pour l’enfance, le Ministère de la Justice et les associations SOS Victimes 93 et SOS Femmes 93.

Evaluation

Depuis octobre 2012, 40 mesures d’Accompagnement protégé (MAP) ont été prononcées par les Juges aux affaires familiales de Seine-Saint-Denis, pour l’accompagnement protégé de 69 enfants mineurs (42 filles et 27 garçons) qui avaient entre 2 et 16 ans.

Ce qui a représenté 381 trajets effectués par les accompagnantes en présence des enfants.

Parmi ces mesures :
- 20 sont d’ores et déjà terminées
- 7 sont en cours
- 13 n’ont pas pu être mises en œuvre : non respect du cadre, arrangement entre parents, danger…

Les types de requête :
- 15 MAP ont été prononcées dans le cadre d’ordonnances de protection
- 2 MAP ont été prononcées dans le cadre d’ordonnances en référé

- 16 MAP dans le cadre de Jugements (de séparation, de divorce ou autres)
- 7 MAP dans le cadre d’une ordonnance de non-conciliation (ONC)

Dans près de 8 cas sur 10, la mère est à l’origine de la requête.

Le lieu d’exercice du droit de visite  :
- 30 MAP s’exercent au domicile du parent bénéficiaire du droit de visite
- 5 MAP s’exercent au domicile des grands-parents paternels
- et 5 autres (domicile du cousin, frère, ami)

Les modalités d’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite :
- 10 MAP où l’autorité parentale est exercée exclusivement par la mère ;
- 30 MAP où l’autorité parentale est exercée conjointement ;

- 21 MAP statuent pour un droit de visite et d’hébergement ;
- 19 MAP statuent pour un droit de visite simple, sans hébergement.

La MAP : une vraie protection de la mère et de l’enfant

Depuis le début de l’expérimentation, 4 notes d’incident ont été adressées au Parquet et 14 au JAF (10 suite à des difficultés de mise en oeuvre, 2 afin de modifier l’organisation des droits de visite pour mieux protéger les enfants et 6 suite à une situation de danger concernant directement la victime et/ou les enfants) ; 6 Informations préoccupantes (IP) ont parallèlement été adressées à la CRIP.

 


 

Retour d’expérience d’une accompagnante

Marie-Claude Benezet, éducatrice à la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse) à la retraite, fait partie de ces accompagnantes. « J’avais envie de continuer à être en contact avec des enfants qui vivent des situations particulières », dit-elle. Elle aurait pu faire de l’alphabétisation, participer à des sorties culturelles, mais non. « Je suis militante, féministe, explique-t-elle d’emblée, sensibilisée sur les violences faites aux femmes. Devenir accompagnante me permet de garder un pied dans le social, d’essayer d’œuvrer pour que ça se passe mieux pour le gamin. » C’est ainsi qu’après un entretien avec l’Observatoire des violences envers les femmes, la candidature de Marie-Claude Benezet est retenue.

Elle suit ensuite une formation où les futures accompagnantes trouvent réponses à certaines questions : comment se manifeste la violence ? Comment déceler des profils de comportements violents ? Quelles conséquences pour les enfants ?

Et depuis quelques mois, elle amène une fillette de 4 ans le week-end chez son père. « Cela faisait 3 mois qu’elle ne l’avait pas vu. Les débuts ont été assez difficiles. Elle ne parlait pas à l’aller et elle était dans un état d’excitation pas possible lors du retour, avec des larmes, des cris. Progressivement, elle s’est apaisée, et j’ai pu faire la connaissance d’une petite fille pleine de vie, super sympathique. Les parents se sont sentis soulagés, eux aussi. La maman souhaiterait que ça continue ainsi. » Bien évidemment, l’expérience de l’ancienne éducatrice a été déterminante. Ne pas faire du rentre dedans, attendre que les choses se décantent, savoir ouvrir les portes… Marie-Claire Benezet connaît son affaire sur le bout des doigts.

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