Violences conjugales : un défi pour la parentalité

Publié le par Direction de la communication

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Vendredi 25 septembre 2015, une présentation du livre « Violences conjugales : un défi pour la parentalité » a eu lieu à l’Hôtel du Département à Bobigny en présence de Stéphane Troussel, le Président du Conseil départemental et Pascale Labbé, Conseillère départementale déléguée chargée de l’égalité femmes-hommes et de l’Observatoire départemental des violences faites aux femmes.

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Karen Sadlier, est docteure en psychologie. Edouard Durant magistrat. Ernestine Ronai est responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes. Tous trois ont travaillé à un ouvrage collectif sur les violences faites aux mères et aux traumas qui en découlent pour les enfants. « Violences conjugales : un défi pour la parentalité », un livre qui vient de sortir aux Editions Dunod à l’attention de tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au sujet.

Bien faire comprendre les mécanismes des violences conjugales pour y mettre fin. Voilà l’intention commune des auteurs de ce livre. « L’idée est bien de trouver des pistes pour soutenir les victimes et les covictimes (les enfants). Et la Seine-Saint-Denis est le département qui fait le plus avancer le sujet en France.

La Seine-Saint-Denis est un lieu unique en France pour unir nos forces » déclare Karen Sadlier ce vendredi 25 septembre lors de la présentation-dédicace de ce livre, en présence de nombreuses associations de terrain (sos femmes 93, le Nid…), et du président du Conseil Départemental Stéphane Troussel.

Un ouvrage collectif qui décortique le sujet notamment à travers des études de cas réels et qui présente les derniers outils permettant de protéger les femmes (et par voie de conséquence, le développement affectif de leur enfant), comme le Téléphone d’alerte pour les femmes en très grand danger, l’ordonnance de protection, et la mesure d’accompagnement protégé initiés dans notre département.

Violences psychologiques, violences psychiques, violences physiques, le cycle de la violence conjugale se répète d’un récit à l’autre : les insultes, l’emprise psychologique et les coups lors de la première grossesse. L’agresseur a toujours la même stratégie : imposer un rapport de force, dont l’enjeu est le pouvoir sur sa victime. Des violences conjugales dont les conséquences sur les enfants peuvent être terribles.

Maurice Berger explique d’ailleurs dans sa préface : « dans mon service de pédopsychiatrie, il a été constaté que les enfants les plus violents n’étaient pas ceux qui avaient été frappés directement par des adultes, mais ceux qui avaient été exposés au spectacle de scènes de violences conjugales. » Parce qu’elle est celle qui s’occupe d’eux, celle qui est censée leur apporter la sécurité, voir sa mère en danger -physique ou émotionnel- peut avoir des retentissements désastreux.

Si tous les enfants exposés à la violence conjugale ne deviennent pas violents, beaucoup d’enfants violents ont subi à répétition un tel traumatisme. Et beaucoup d’entre eux souffrent d’angoisse, d’idées suicidaires, de difficultés scolaires, etc. C’est pourquoi bien faire comprendre les mécanismes des violences conjugales est primordial pour les auteurs de ce livre.

Un mari violent peut-il être un bon père ?

« Jusqu’à ses deux ans, l’enfant est particulièrement vulnérable face à ces scènes car il n’a pas encore la capacité de mettre des mots sur ce qu’il ressent, ajoute Maurice Berger. Il engrange à l’état brut dans son cerveau les sons, images, regards, gestes perçus dans ces circonstances. Ces sensations peuvent resurgir à l’occasion d’un évènement minime qui rappelle la scène traumatique de l’enfance. Cet enfant même devenu adulte, peut alors éprouver les mêmes peurs qu’autrefois. Dans cet état, il ne distingue plus le passé du présent. Il n’a pas la liberté interne de ne pas frapper ». C’est pourquoi à la question « Un mari violent peut-il être un bon père ? » ce dernier répond sans détour : « Je considère qu’un homme qui tape sa compagne ne peut pas être un bon père quand il soumet alors son enfant à un environnement aussi angoissant. »

Dans notre Département il existe de quoi aider cet enfant à sortir de ce cercle vicieux de la violence, en aidant sa mère. Le Président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel a salué cet ouvrage : « qui explore un sujet qui l’est assez peu et repose sur des travaux récents. C’est un ouvrage important pour les politiques que nous développons ».

 

Edouard Durand : En cas de violences conjugales, pas d’autorité parentale conjointe

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Edouard Durand est magistrat. Juge des enfants à Marseille de 2007 à 2011, il est depuis janvier 2012 coordonnateur de formation à l’Ecole Nationale de la Magistrature. Il a publié plusieurs articles consacrés au droit de la famille et aux violences conjugales, et notamment « La place du père : les hésitations du droit de la famille » (Esprit, mai 2012) et « Violences conjugales et parentalité : protéger la mère c’est protéger l’enfant » (Dalloz, Actualité Juridique Famille, mai 2013)

« La loi prévoit que dans des circonstances particulières, le juge aux affaires familiales puisse accorder à l’un des parents l’exercice exclusif de l’autorité parentale. Je pense que les violences conjugales font partie de cette catégorie où il ne faut pas d’exercice conjoint de l’autorité parentale. Même quinze ans après la séparation du couple. Parce que l’autorité parentale conjointe est le moyen juridique par lequel l’agresseur va continuer à maintenir l’emprise… sur la mère et sur les enfants. »

Karen Sadlier : Conflit familial ? ou violences conjugales ?

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Karen Sadlier est Docteur en psychologie clinique et psychopathologique, directrice du département Enfant de l’Institut de victimologie (Paris).

« Est-ce que j’ai affaire à une famille où il y a des conflits exacerbés ? Si oui il est normal d’entrer avec des outils de négociations, de médiation, d’aider les gens à trouver un terrain d’entente. Est-ce que j’ai affaire à une famille où il y a violence dans le couple ? Si oui on doit mettre une frontière, pas de contact entre victime et auteur. Bien différencier ces deux situations c’est la chose la plus importante. Cela concerne tous ceux qui font des diagnostics : les professionnels de la Justice (avocats, experts, juges des enfants, juges des affaires familiales) et les professionnels socio-éducatifs. »

Ernestine Ronai : Y a-t-il de la violence à la maison ?

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Ernestine Ronai est enseignante, psychologue, journaliste et responsable de l’Observatoire départemental des violences envers les femmes. Elle est Coordinatrice nationale de la lutte contre les violences envers les femmes au sein de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et de lutte contre la traite des êtres humains.

« Quand un enfant a des difficultés : scolaires, relationnelles, énurésie, encoprésie, anorexie, cauchemar, on peut se dire qu’il y a un problème. La question va être de chercher pourquoi si on veut qu’il puisse s’en sortir. La première chose est de voir si cet enfant est victime de violences. Il peut être victime de violences directes, de maltraitances. Il peut aussi être covictime de violences, cela veut dire que sa mère est victime de violences dans le couple et lui, il assiste à ça. Du coup, ça l’empêche d’avoir un développement affectif, physique, cognitif ordinaire. Se poser le pourquoi nous amène à demander à la maman : « y a-t-il de la violence à la maison ? » Si on pose simplement cette question à la maman. La mère dira peut-être : « ah non pas sur mon enfant ». Et on pourra dire : « et sur vous ? » j’étais dans une vie antérieure psychologue scolaire. Et quand un enfant avait des difficultés scolaires, je posais systématiquement cette question. Et je me suis aperçu que dans un cas sur deux la réponse était oui. Peut-être cette femme ne va pas répondre à cette question tout de suite. Peut-être elle le dira dix minutes après, quinze jours, ou un an après. Mais elle sait que moi professionnelle je sais que ça existe. Et on pourra aider l’enfant. Nous avons dans notre département des consultations psycho-traumas, on a la mesure d’accompagnement protégée. Dès qu’on aide la maman à sortir des violences, on aide aussi l’enfant. C’est très important pour nous. »