L’Île de Ngazidja est plus connue sous son nom de « Grande Comore », celle-ci étant la plus grande des 3 Îles de l’Union des Comores, les 2 autres étant Anjouan et Mohéli (Remarque : du point de vue du droit international, l’ile de Mayotte fait partie de l’Union des Comores et est donc la 4ème Île des Comores).
Peuplée d’un peu plus de 400 000 habitants, l’île –comme le pays– est classée en voie de développement, avec une population jeune et de nombreux enjeux en terme de développement (économique, infrastructures, accès à l’eau et à la santé, éducation, ...). Si les coopérations menées par le Département ont jusqu’à présent surtout concerné des projets d’assainissement, d’accès à la santé et dans la lutte contre les violences faites aux femmes, un projet a été lancé il y a peu autour de la culture, il s’agit du « Festival des Communes ».
En effet, encore plus que pour la plupart des cultures du monde, la culture comorienne est singulière et au croisement de nombreuses sphères culturelles, liée à son histoire, à son peuplement d’origines diverses et à son positionnement géographique. Au croisement des cultures bantoues, arabes, perses et indiennes, et du fait de son insularité qui a pu amener à un développement « endémique » de cette culture spécifique, la culture comorienne est ainsi un mélange singulier. Cette originalité a pu contribuer à l’émergence d’artistes comoriens à renommée mondiale (Cheick MC, Soprano, Maleesh, Rohff, …).
Mais les enjeux de développement sont énormes dans le pays et les priorités sont d’abord l’accès à la santé, à l’eau potable, à l’emploi : l’accès à la culture n’est pas la priorité du quotidien. De plus, les identités sont très fortes au niveau du village, mais beaucoup moins au niveau de l’Île toute entière, y compris dans les dimensions culturelles. Enfin, les jeunes comoriens, dans un monde hyper connecté, sont comme dans de nombreux pays sur la planète, soumis à une acculturation et une uniformisation de la culture à « l’occidentale » pour ne pas dire à « l’américaine ».
Ce projet, à partir d’une idée originale de l’association Africolor –association séquano-dionysienne et partenaire du projet– vise donc à revivifier le tissu culturel de Ngazidja et à permettre sa réappropriation par les habitants.
De manière indirecte, cette action sur la culture vise à contribuer à :
– Agir sur le développement économique notamment par l’impact positif sur le tourisme d’un développement de la culture dans l’Île,
– Renforcer l’identité institutionnelle des 28 communes de lÎle, récemment créées,
– Redécouvrir et renforcer la richesse culturelle de l’Île et de ses actrices et acteurs et contribuer à redonner de la fierté aux habitants de l’Île et l’envie de la développer.
Pour cela, des sélections artistiques seront organisées dans les 28 communes par des comités d’organisation communs aux citoyens, en lien avec les diverses communes. Ces sélections seront doublées de débat sur la place de la culture dans les communes et dans l’Île. Les meilleurs artistes sélectionnés – qui doivent être des artistes amateurs ! – se confronteront ensuite lors de phases régionales puis lors d’une grande finale insulaire. Celle-ci étant l’occasion de réaliser notamment la synthèse des débats menés sur la place de la culture. Lors de tout ce processus, le projet veillera à la participation des jeunes et des femmes.
L’idée est ainsi que lors de la compétition, chacun trouve de la fierté à porter « sa » culture. Mais chacune des phases sera aussi l’occasion de découvrir la culture « des autres » et d’être ainsi dans une logique d’émulation, de partage et d’incitation : à chacun.e de faire de la culture. Comme dans d’autres pays ou domaine – et notamment celui du sport – c’est la pratique d’une activité de masse et populaire, qui est garante de l’existence d’un niveau d’élite et de professionnels. Sans pratique amateur de masse, pas de pratique d’élite !
Lancé en janvier 2020, le contexte lié à la Covid-19 a amené à le mettre en sommeil provisoirement. La phase communale reprendra dès que possible et la finale insulaire sera fixée en fonction quelques mois plus tard. Si ce projet a mis des années à être monté – et notamment pour l’obtention des financements nécessaires – l’ensemble des partenaires sont déterminés à mener ce projet jusqu’au bout.
Toutes les réactions des acteurs rencontrés et le soutien apporté témoigne de la pertinence d’agir sur la culture. Le succès de la soirée de lancement, qui a vu la participation de plusieurs centaines de personnes, des plus hautes autorités comoriennes et de nombreux artistes reconnus aidant à populariser le Festival des Communes (Cheikh MC, Dadiposlim, Jax, Soulaimane Mzé Cheickh, ...) comme l’ensemble des retombées presse, nous renforce dans cet objectif.
Il est à noter que si le Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis est maitre d’ouvrage du projet, celui-ci ne pourrait pas avoir lieu sans l’apport et le travail en commun de très nombreux partenaires : certains financiers, mais au-delà, des partenaires opérationnels permettant d’additionner, et démultiplier, les forces et spécificités de chacune et chacun.
On peut ainsi citer l’apport indispensable de nos 2 « opérateurs techniques » que sont l’association française Africolor – spécialisée dans les musiques africaines – et l’association comorienne Ulanga-Ngazidja, spécialisée dans l’éco-tourisme et le développement culturel et touristique. L’équipe projet, basé au siège de l’association Ulanga à Moroni, est constituée de jeunes femmes mises à disposition par le Département de La Réunion. Les liens réguliers avec nos partenaires institutionnels comoriens permettent d’identifier les leviers pour résoudre les divers problèmes qui se posent en cours de projet. Par ailleurs, la Plateforme des Associations Comoriennes de Seine-Saint-Denis (PFAC93) est également associée au projet et facilite les communications entre ici et là-bas, jusque dans les plus petits villages de l’île. Ce Festival des Communes est également l’occasion pour la PFAC93 de développer un projet similaire en Seine-Saint-Denis visant notamment à des échanges culturels entre notre département et Ngazidja. Enfin, le projet n’aurait pas pu voir le jour sans le soutien « moral » et financier du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et de l’Ambassade de France en Union des Comores.
C’est bien le travail en commun de tous ces partenaires, qui permet la mise en œuvre de ce projet. Si nous espérons bien qu’il soit une réussite, nous savons aussi que l’expérience accumulée dans ce projet – dans ses réussites et ses échecs – sera déterminante pour étendre ce même type de Festival à l’ensemble des Comores, et pourquoi pas, à l’échelle de l’Océan indien ?