Téléphone Grave Danger : protéger les femmes en très grand danger

Publié le par Observatoire des violences envers les femmes

Mots-clés : violences femmes protection danger

Ce dispositif expérimenté depuis 2009 dans le département a été généralisé au reste de la France en 2014. Il fonctionne pleinement aujourd’hui en Seine-Saint-Denis et procure une protection durable, grâce à un partenariat fort.

 

La généralisation du dispositif constitue un prolongement national, des actions innovantes menées en Seine-Saint-Denis pour la protection des femmes victimes de violences. C’est donc pour l’ensemble des partenaires une immense satisfaction de voir ce dispositif, expérimenté avec succès depuis plus de cinq ans en Seine-Saint-Denis, être généralisé à la France entière.

Historique

En France, une femme meurt tous les deux jours et demi du fait de la violence de son compagnon, conjoint, concubin, petit ami ou ex. En Seine-Saint-Denis, l’Observatoire départemental des violences envers les femmes a mis, depuis sa création, l’accent sur la grande dangerosité des hommes violents et la nécessité de mieux protéger les femmes victimes de violences. Pour définir la notion de « femmes en très grand danger », une étude des 24 ‘féminicides’ (homicides volontaires de femmes par conjoint ou ex-conjoint) entre 2005 et 2008 a été effectuée. Les résultats de cette étude faisaient apparaître que certaines de ces femmes auraient pu être mieux protégées. Il a alors été proposé de doter les femmes victimes de violences en très grand danger d’un téléphone portable d’alerte, délivré sur décision du Procureur, leur permettant d’accéder aux services de Police par un circuit d’alerte dédié, court et rapide, accessible à tout moment. Le téléphone grave danger est un outil qui fait partie d’un dispositif global de protection et d’accompagnement pour les femmes victimes de violences en grand danger.

Présentation du dispositif

Accordé par le procureur de la République après évaluation du danger encouru par la femme victime de violences, le téléphone grave danger permet de garantir à la victime une intervention rapide des forces de sécurité, en cas de grave danger et donc avant la commission de nouveaux faits de violences.
Ce dispositif permet de sauver des vies, d’interpeller et de sanctionner les auteurs. Il repose sur un accompagnement global de la victime, mobilisant le partenariat de tous les acteurs de lutte contre les violences faites aux femmes. C’est parce qu’elle est protégée et soutenue que la victime peut envisager de sortir du cycle de la violence et reprendre sa vie en main.
Pour bénéficier du dispositif, quelques conditions doivent être réunies : la victime doit être dans une situation de très grand danger ; elle doit ne plus habiter avec son agresseur et celui-ci doit faire l’objet d’une mesure judiciaire d’interdiction d’entrer en contact avec elle.

Description et fonctionnement du téléphone portable d’alerte

Le dispositif fonctionne sur la base du service de téléassistance mobile proposé par Orange. Il s’agit d’un téléphone mobile comprenant un bouton d’appel d’urgence préprogrammé. Si celui-ci est actionné, une mise en relation immédiate avec un téléassisteur (Mondial Assistance) se déclenche automatiquement, la victime a alors la possibilité de dialoguer avec les conseillers qui évalueront la situation de danger, et déclencheront si nécessaire, une intervention des forces de police grâce à une ligne dédiée au Centre d’Information et de Commandement de la DTSP 93, ce qui permet leur intervention dans des délais très rapides. Ces téléphones disposent également de 3 numéros pré-programmés afin de pouvoir dialoguer en cas d’inquiétude.

Depuis la mise en place du dispositif Femmes en Très Grand Danger (novembre 2009 - octobre 2015) :

- 202 femmes ont été admises au dispositif téléphone d’alerte depuis novembre 2009 et 308 enfants mineurs ont ainsi été concernés par la mise en protection de leur mère

- 33 femmes en très grand danger disposent d’un téléphone portable d’alerte actif ;

- 16 femmes ont un téléphone réservé en prévision de la sortie de prison de leur agresseur ;

- 153 femmes ont d’ores et déjà restitué leur téléphone portable d’alerte.

 

Le dispositif TGD est très performant : il a permis de rendre exceptionnels les contacts physiques entre la femme victime et son agresseur. Il procure un sentiment de sécurité pour la victime en lui indiquant que le danger a été pris en compte par la Justice et favorise véritablement le travail d’accompagnement. Les retours des bénéficiaires sont globalement très positifs sur le sentiment de sécurité que procure le dispositif, l’écoute du téléassisteur, les interventions et la réactivité de la Police. La loi du 4 août 2014 a étendu le dispositif de téléprotection aux femmes victimes de viol.

Les partenaires composant le comité de pilotage de l’expérimentation

Le Département de la Seine-Saint-Denis via son Observatoire départemental des violences envers les femmes, le procureur de Bobigny et le Tribunal de Grande Instance de Bobigny, la Direction territoriale de sécurité de proximité du 93 (DTSP 93) ; la Direction de la sécurité de proximité de l’agglomération parisienne (DSPAP), la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP), la délégation départementale aux droits des femmes et à l’égalité, l’association SOS Victimes 93, l’association SOS Femmes 93, l’association CIDFF 93, l’association Collectif Féministe Contre le Viol (CFCV), Orange, Mondial Assistance.

Avec le soutien du Conseil régional d’Ile-de-France, de la Préfecture et de la Chancellerie.

Devant les succès enregistrés en Seine-Saint-Denis, ce dispositif a déjà été étendu et généralisé à la France entière en 2014 (loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

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Témoignage : « J’avais l’impression d’avoir quelqu’un qui veille sur moi »

Elle a le regard noir de ces femmes pour qui la vie n’a pas fait de cadeaux. Marie-Christine *sort tout juste du Tribunal de grande instance de Bobigny. Elle vient de remettre au procureur son téléphone portable d’alerte. « Maintenant, il faut que je vole de mes propres ailes », dit-elle, le visage grave.

Elle fait partie des 103 femmes qui ont bénéficié du dispositif femmes en très grand danger, et a pu ainsi disposer durant un an d’un mobile muni d’un bouton d’appel d’urgence préprogrammé. « Honnêtement, j’avais l’impression d’avoir quelqu’un qui veille sur moi. Oui, c’est vraiment cette sensation là que j’avais avec le téléphone portable », explique la jeune femme. « Lors des contrôles, j’appuyais sur la touche et tout de suite, le signal partait. L’assistance me rappelait pour savoir si tout allait bien, si j’étais seule ou accompagnée. Je devais simplement répondre par oui ou non. C’est très réactif, c’est ça qui est vraiment bien. »

Le cauchemar de Marie-Christine a débuté il y a presque 10 ans. « J’ai connu toute les étapes, relate-t-elle. Les premières fois, on trouve des excuses. Ensuite, on essaie de se protéger, on a peur, on a envie d’en parler mais on est bloqué, on ne sait pas à qui s’adresser. Et puis, à un moment donné, on pense qu’on n’est pas ce genre de femmes, On ne veut pas admettre qu’on est une femme battue. Mais si, on l’est. » Elle subit les insultes, les coups, les tortures pour un rien, n’importe quand, tout le temps.

C’est sa petite fille qui lui donnera l’envie de se battre et de franchir la porte de la justice pour porter plainte. « Je ne connaissais rien du système juridique. Tout ça, c’était nouveau pour moi. » Elle se sépare de son conjoint. Mais celui-ci ne l’accepte pas. « Il venait toujours me persécuter sur mon lieu de travail. A chaque fois, j’appelais la police. C’était devenu une spirale infernale. Toujours la même histoire. A force, les policiers ne se déplaçaient plus. » Et la catastrophe arriva. L’homme veut récupérer sa fille. Marie-Christine refuse. Il la bat. Plus fort, toujours plus fort. Fracture du genou. Quatre mois d’arrêt de travail dont trois mois d’hospitalisation. « Je ne pouvais plus rien cacher. Tout a éclaté au grand jour. Ma famille m’a soutenue. Moi, avant, je voulais la protéger. Les associations SOS Victimes 93, SOS avocat, la justice… tout s’est enclenché. »

Sortie de l’hôpital, la peur revient. Mais là, le Tribunal de grande instance lui accorde le téléphone portable d’urgence. Grâce à lui, elle peut reprendre son travail, sans crainte. « Aujourd’hui, ma famille connaît mon histoire. J’ai décidé de ne pas changer d’employeur car j’ai passé ma vie à me reconstruire. » Désormais, une nouvelle étape s’annonce, « Je veux que cet homme –recherché par la police – soit jugé. Seulement après, je pourrais commencer à repenser positivement. » Elle efface d’un revers de manche quelques larmes. Marie-Christine n’en peut plus de les retenir.

*Le prénom a été changé

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